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Un semblant de présence



Un week-end à l'hôpital.


--> Ou presque!

Ce week-end, il s'est passé pleins de choses et en même temps, il ne s'est rien passé. Une sorte de week-end en deux temps.

Samedi matin, séance de kiné aquatique et, pour une fois, il n'y avait aucun autre malade ou blessé dans la flotte. Rien que moi, mes pattes folles et ma kiné! Très agréable... Ensuite, massage, exercices de force et tout ça: il y a un net progrès! Ensuite, de retour dans ma chambre-bureau-salle à manger-salle de réunion, mon neurologue est venu m'annoncer une grande nouvelle: désormais, je pourrai rentrer chez moi le dimanche! Chouette, non? Et je pourrai aller chanter avec le groupe? Oui, vous pourrez! En fait, il voudrait que je me démerde un peu tout seul et je vous jure, je me démerderai! Vivement la semaine prochaine!

Après-midi, toute ma petite famille est venue - donc, mes parents, mes trois soeurs, mon neveu, ma nièce et Nathalie, ça fait quand même du monde! - et nous sommes allés promener aux alentours très boisés du CHU, comme on fait d'habitude, mais cette fois, j'ai voulu me lever de ma chaise roulante: ça va! C'est encore un peu pénible, mais ça revient! On  bien rigolé, les enfants étaient déchaînés et on a bien mangé, il faisait beau. C'est toujours un peu dur, le soir, quand tout le monde doit rentrer chez soi... Heureusement, j'ai Canal + (le week-end, hélas, impossible de regarder trop tard, vous savez pourquoi, moi, y a rien à faire, ça me débecte!) et j'ai surtout "mes" infirmières qui viennent me rendre visite de temps en temps, je suis quand même un pensionnaire privilégié, ça fait longtemps que je suis là... En parlant de mes infirmières, j'ai vu les seins - qui sont très mignons -  de la petite Catherine quand elle me soignait, je me demande si elle ne l'a pas fait exprès! Dans un soucis de clarification, je lui ai dit de faire attention parce que j'avais un joli panorama lorsqu'elle effectuait certains mouvements, elle a fait mine de rougir (mais elle a raté!) et s'est redressé, un peu...Petite fripponne! Bon, maintenant, c'est peut-être purement involontaire, mais j'aime bien me raconter des histoires. Surtout des gros clichés comme ça, l'infirmière et son patient, ça fait   ultra-(C)anal + le samedi à minuit!

Dimanche: j'ai dormi jusqu'à midi! Ca fait du bien! A mon réveil, ma maman était déjà là, avec Nathalie; c'est toujours émouvant de les voir me regarder m'éveiller avec un petit regard mouillé, comme si j'étais encore un petit enfant, ça me fait rire. On a encore été se promener, j'ai pas mal fumé, j'aime bien fumer.

Le soir, j'ai regardé pour la centième fois "Le Maître d'Ecole" avec Coluche. On ne s'en lasse pas. Ensuite, sur la même chaîne, un navet de première catégorie, "Un été d'enfer" avec Lhermitte: comment est-il possible de gâcher de la péliculle à ce point? Enfin, j'ai bien rigolé, on avait droit à tout: musique méga-ringarde avec vue de la mer et les rideaux qui volent au vent (c'est bon ça, un vol-au-vent!), poses lascives de l'actrice sensée être une bombe sexuelle. A ce sujet, je comprends mieux maintenant que Véronique Jeannot n'ait pas tourné plus de films, qu'est-ce qu'elle est mauvaise, misère! Mais elle est comique, même si c'est involontaire, c'est déjà ça!

Ensuite, on n'a pas beaucoup le choix, les J.O. Basket: USA-Porto-Rico. Savez quoi? Les Américains se sont prix 20 points dans la tronche! Moi, c'est le seul truc où je tiens avec les ricains, le basket. Les commentateurs sportifs parlaient déjà d'exploit, mais c'est n'importe quoi... Le basket américain n'a rien à voir avec le basket d'ailleurs qui est lent et stéréotypé, où le jeu n'est pas basé sur l'attaque. Sans parler des règles qui sont totalement différentes. Et des arbitres qui sont des minables, si, franchement! Au moindre contact, tûûût, c'est faute. Quand vous regardez un match de NBA, ça joue dur, ça se frotte, ça se tient, ça se pousse, c'est un sport d'hommes, pas de fiottes! Et quand vous regardez la WNBA (la NBA féminine), c'est pareil: ces femmes vous foutraient une équipe de mecs à terre! Bref, pour battre les Américains, c'est simple, il suffit de ne pas jouer au basket, de rester à deux mètres de son homme (interdit aux USA) et de verser une larme quand on est bousculé: c'est comme au foot, ça rate pas, faute! Quelle pitié! Sans parler que les américains n'ont pas fait venir leurs stars (ou elles n'ont pas eu envie de venir): pas de Kobe Bryant, pas de Shaquille O'Neal, pas de Carter, de Malone, de Bibby, de Wallace,etc... Bref, sans nier le mérite aux Porto-Ricains qui savaient quand même jouer au basket, c'est un peu biaisé.

A la fin du match, vers 2 heures du matin, c'est au tour de Nora - c'est joli comme nom Nora, non?- de venir dans ma chambre. "Tu ne dors pas encore?" "Pas envie, tu veux pas regarder un petit film avec moi?" "Si, si ça ne sonne pas sans arrêt". Meuh non, ils dorment les malades! Alors voilà, on a regardé - Nora a quand même raté pas mal de passages - un film très marrant avec Isabelle Nanty et Edouard Baer, "Le Bison". Très sympa. Mais j'ai pas vu la fin, je me suis endormi...

Je vous laisse, voilà mes parents...

Ecrit par tagliamento, le Lundi 16 Août 2004, 11:38 dans la rubrique "et moi dans tout ça?".
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Commentaires:

ImpasseSud
Ecrit par ImpasseSud le Lundi 16 Août 2004, 12:08

Pas mal du tout ce week-end! Et j'ose à peine imaginer le prochain!:-))))

Mais Porto-Rico n'est-il pas un état des Etats-Unis? Comment se fait-il qu'il puisse se présenter aux JO de façon indépendante?

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tagliamentoRe:
Ecrit par tagliamento le Lundi 16 Août 2004, 15:38

Ah ben non, ce n'est pas un Etat américain, Porto-Rico! De toute manière, aux JO, il y a des nations qui ne sont pas encore reconnues... Il y a par exemple des athlètes qui concourent pour la Palestine.

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ImpasseSudRe: Re:
Ecrit par ImpasseSud le Lundi 16 Août 2004, 16:46

Tu as raison, Porto Rico est encore un Etat Libre associé aux USA. Mais après le refus d'indépendance de 1998, l'île est aujourd'hui considérée comme une colonie américaine avec une autonomie interne. En fait, les Portoricains ont le droit à la nationalité étasunienne.... Par contre, je ne sais pas s'ils ont finalement acquis le droit de vote.

A propos de Palestine, as-tu eu l'occasion de lire mon article écrit en février? Et es-tu au courant de l'histoire de l'athlète grecque, refusée par le CIO parce qu'elle est devenue Palestinienne?

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tagliamentoRe: Re: Re:
Ecrit par tagliamento le Lundi 16 Août 2004, 17:52

Je le lirai demain, promis juré. Et je te ferai savoir ce que j'en pense. Là, j'ai un coup de pompe et Nathalie ne va pas tarder... Enfin, j'espère!

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Révulsion
Ecrit par Catherine Katyn le Mercredi 18 Août 2004, 16:54

1.

Fred aimait les yeux de Geneviève.

Surtout quand ils se révulsaient.

Lorsqu’ils faisaient l’amour, Fred guettait un instant précis. Le regard de Geneviève chavirait au bout de quelques minutes. Seul un râle, simulé ou non, allez savoir avec les femmes, démentait l’absence blanche dans son regard. À ce moment, il l’embrassait sur l’œil droit, puis sur l’œil gauche. Quelques vaisseaux irriguaient de rouge les deux petits globes parfaits. Juste sous le pli de chaque paupière supérieure, Fred devinait le demi-cercle d’un iris vert.

C’était bon.

Parfois, Geneviève poussait un cri.

C’était le bon temps.

Lorsqu’elle revenait de la salle de bains, Fred lisait Dostoïevski au lit.

- Encore ce vieux fou ? Tu n’en as pas assez ? gémissait-elle en lui passant les bras autour du cou.

- Tu as tort riait-il. Tu devrais lire Fédor. Tu as un côté garce, ma belle Anastasia.

Généralement, la situation dégénérait en joute amoureuse jusqu’à ce que tous deux, rompus de fatigue, s’endorment parfaitement imbriqués. Son ventre se pressait contre le dos de la jeune femme.

À l’hôpital où il travaillait comme technicien de surface, Fred se plongeait dans L’Idiot. Gene et Nabokov avaient raison. Ce brave Fédor ne savait pas construire une histoire. Il n’empêche, à la pause de dix heures, puis sur le temps de midi, Fred ouvrait son roman. La reliure du livre craquait agréablement entre ses mains.

L’épilepsie le fascinait. Il imaginait les yeux révulsés du Prince Muichkine, les premières crises du jeune Dostoïevski, le meurtre de son père, assassiné par des paysans. À qui appartiennent les voix qu’entendent les épileptiques ? C’était un vieux débat.

Après avoir nettoyé les couloirs, il s’absorbait dans la contemplation du carrelage blanc. Les petits carreaux réfléchissaient les néons du plafond. Un soleil se cachait sous chaque dalle comme s’il se tenait à la verticale d’une étoile. Des infirmiers poussaient leur civière en criant à tue-tête : « Vite, en salle d’opération… Il perd tout son sang. » Les blessés gémissaient sur les brancards. Parfois, un carabin soupirait. « Sens plus son pouls. Tant pis. On descend directement à la morgue, c’est plus court. »

Un lundi, il fut bousculé par un garçon boucher couvert de sang. « Pousse-toi mon vieux, tu vois pas que je suis pressé ? » Un blessé se tordait de douleur sur le brancard. L’homme n’avait plus de bras droit. Ne lui restait qu’un os. Des veines ou des artères, Fred ne valait rien en anatomie, pulsaient à jets rapides. Des ronds rouges cochèrent des cases sur le damier du sol.

- Son bras a glissé dans une presse à papier, commenta le carabin énervé. Quel idiot ! Allez, en route pour la salle d’op.

L’infirmier tapota la tête du blessé avec une mimique désabusée :

- Pleure pas, on va te la recoudre, ton aile.

2.

La voiture de Geneviève était tombée en panne.

Le garagiste, un patapouf moustachu, se frotta les mains. On aurait dit les ablutions d’une mouche bleue. « Ma petite dame, vous perdez de l’huile. Enfin, je veux dire : la voiture. » Le concessionnaire postillonna de joie sur sa salopette. « Sûrement une fuite quelque part. Ça va vous coûter un peu d’argent. Pas avant la fin de la semaine, mamzelle. »

Geneviève prit une moue boudeuse. Son métier d’institutrice l’obligeait à de nombreux déplacements. « Comment vais-je faire ? » trépigna-t-elle comme une fillette de trente ans passés. « Mardi matin, il faut que je m’occupe des animations dans les crèches. » Nouvelle moue boudeuse. Quand sa lippe se plissait ainsi, Fred ne répondait plus de lui. Il oublia le gros garagiste. Il embrassa Geneviève. La mordit presque.

Mardi matin, à bord de sa voiture, il conduisit sa femme à la crèche. Il avait horreur des poupons. Ils se bavent dessus, crient sans raison et… « les moutards ne lisent pas les auteurs russes », ajoutait Gene avec un sourire.

Au contraire de son compagnon, elle aimait les enfants, surtout ceux des autres. À la limite, elle aurait préféré adopter. Elle se retranchait derrière son apparente fragilité physique pour expliquer sa peur de l’accouchement. Le soir, devant la télévision, quand il la taquinait, elle simulait une colère. « Moi, avoir un bébé ? Mais c’est impossible : j’ai des os minuscules. Je suis toute maigre, regarde. », expliquait-elle en lui montrant ses seins de profil. « Un bébé ? Il me déchirerait, voyons. »

D’une part, il lui était très reconnaissant de son émancipation. D’autre part, il trouvait ses seins ravissants. « J’ai toujours eu un faible pour Calista Flockhart, tu sais ? » lui demandait-il, la main refermée sur sa poitrine. Pour la forme, Geneviève se débattait un peu tandis que, sur l’écran, Ally Mac Beal plaidait avec de grands gestes : « Mon client est innocent et… et… je crois bien que j’en suis amoureuse, monsieur le Juge… »

- Mmm, ma petite anorexique… poursuivait-il en l’embrassant sur les paupières. En grognant de plaisir, il enfouissait le nez au creux de son cou.

Ce mardi matin-là, sur l’autoroute, Fred roulait vite car il voulait arriver à temps à l’hôpital. « Quelle vision se déroule dans le blanc de l’œil, quand Muichkine tombe dans l’escalier ? » songeait-il tout en conduisant. « Au fond, faire l’amour avec Gene est une forme d’épilepsie. » Il appuya sur l’accélérateur. « Les corps se convulsent. Comment synchroniser sa crise avec celle d’une autre personne ? » Il se rabattit devant un trente tonnes. « Une décharge électrique dans le cerveau… Et les yeux révulsés ? Que voit Gene quand elle râle en lorgnant le plafond ? »

Fred débraya. L’aiguille du compteur chuta puis rebondit. Devant eux roulait un autre lambin. Alors qu’il s’apprêtait à doubler, il leva le regard en fantasmant : « Avec mes yeux ainsi, je dois ressembler à Marilyn Manson démaquillé. Marrant toutes ces vedettes rock qui posent les yeux révulsés. Révulsion, ça se dit, au fait ? »

Geneviève lui fit remarquer qu’il roulait trop vite. Sans l’entendre, il commença sa manœuvre de dépassement. Quelque chose passa rapidement à la périphérie de son champ de vision, quelque chose de léger et de blanc. Ça se trouvait dans la voiture avec eux.

Fred ne vit pas le monstre qui arrivait en face.

Oh, non !

Leur voiture percuta un semi remorque de plein fouet.

Noir.

3.

Fred resta trois semaines dans le coma.

Lorsqu’il en sortit, il était couché sur un lit d’hôpital. Tout son corps le blessait. Chaque membre lui semblait brisé en plusieurs morceaux. Sur ses bras, sur son torse, partout sous les pansements, il devinait des blessures, des ecchymoses. Des esquilles flottaient sous sa peau comme des icebergs à la dérive. Il pouvait les entendre craquer. Le dégel était un supplice.

Les médecins lui apprirent une bonne et une mauvaise nouvelle. Un moment, ils avaient envisagé l’amputation au-dessus du genou, évitée de justesse. Fred pourrait remarcher au prix de nombreuses séances de rééducation, mais sa jambe droite resterait tordue comme un vilain bout de bois.

- Et la mauvaise nouvelle ? demanda-t-il d’une voix atone.

Un médecin lui posa une main sur l’épaule : « Soyez courageux, nous n’avons rien pu faire pour elle. »

Fred ferma les yeux.

Heureusement, malgré son absence prolongée, il put reprendre le travail à l’hôpital. En somme, pendant trois semaines, il avait fait des heures supplémentaires : comme patient.

Sa traversée du désert débuta. Rapidement, le désert lui donna soif.

Fred commença à boire beaucoup. Le soir, il se vidait un verre puis la tête. Partout dans la maison traînaient des cadavres. Au début, malgré ses cuites carabinées, il arrivait à l’heure pour passer le balai. Cependant, l’alcool le ravageait insidieusement, du dedans vers le dehors. Ses yeux occupaient un volume énorme dans son crâne. « Ils vont rouler sur le sol », délirait-il. « Glisser sous une armoire » En traînant la patte, l’éclopé nettoyait le carrelage à l’eau de Javel.

Après le boulot, il pleurait seul dans le salon. Désormais, il habitait le royaume de l’apitoiement sur soi, royaume où il était le roi. Lorsque la Une rediffusait un vieil épisode d’Ally, la bouche de Calista prenait une expression de dépit. Le poivrot tendait alors le bras vers l’écran en murmurant un prénom. Sans se soucier de ses geignements, Ally expliquait à une collègue comment boire une tasse de café brûlant : « Tu comprends Georgia, il ne faut pas boire comme un homme fait l’amour, en négligeant tous les préliminaires…»

Fred pleurait de plus belle en tétant sa bouteille de vodka.

Bientôt, il ne vécut plus qu’avec des cadavres et le souvenir d’un cadavre.

Bientôt, Fred serait un cadavre.

Et bientôt, nous tous…

4.

Régulièrement, avec la voiture de Geneviève, Fred revenait sur les lieux de l’accident. Il avait lu dans un magazine que les abords des autoroutes se transformaient en cimetières. On ne comptait plus les bouquets de fleurs, les couronnes et les croix, fixés aux pylônes par des bouts de ficelles. Parfois, un véhicule s’arrêtait. Un homme ou une femme en sortait pour prier ou pour pleurer à chaudes larmes.

Fred empestait l’alcool même au volant. S’il avait soufflé sur une allumette, son haleine aurait pris feu. Un soir qu’il arrivait à l’entrée de l’autoroute, il regarda le plafond. Juste pour le plaisir des yeux révulsés, comme ceux de Geneviève, avec de petites rivières pourpres autour de l’iris.

À la limite de son champ de vision, au-dessus de l’ombre des arcades sourcilières, il aperçut quelque chose.

Une main d’albâtre se retira rapidement de ses cheveux.

Il se gara sur le bord de la route. Des poids lourds filaient en ronflant. Il coupa le moteur. Respira à fond. Avala une gorgée de vodka, puis roula ses yeux dans leurs orbites, jusqu’à ce que la douleur le lancine au-delà du supportable.

Il n’était plus dans la voiture.

Il se trouvait au beau milieu d’une pièce cubique. Des vecteurs noirs délimitaient six plans blancs. Les murs semblaient plus brillants que le carrelage de l’hôpital. Au fond de la pièce, en arc de cercle, se tenaient des violonistes. Tous étaient revêtus d’un smoking. Tous fermaient les paupières. Ils jouaient en silence. Les archets passaient et repassaient sur les cordes mais sans aucun son.

Lorsque Fred se retourna, elle était là. Dans toute sa nudité immaculée. Pâle. Grande. Un serpent de cheveux noirs glissait sur ses reins parfaits. Ses yeux dépourvus de pupilles avaient la couleur transparente de l’alcool. Des yeux Smirnoff. Ses lèvres évoquaient un tableau de Man Ray et ses mains s’éternisaient en blancheur. Quant au point d’exclamation de son sexe, il luisait d’un noir d’abîme, comme les aréoles de ses seins.

L’Absolue se tenait devant lui. Jamais, il n’avait vu une femme aussi...

Geneviève peut-être ?

- Où sommes-nous ? demanda Fred en silence.

Sans notes, sans sons, les violonistes continuaient de jouer.

- Viens, lui dit Ève en lui tendant la main.

Ses lèvres n’avaient pas bougé.

Ève et Fred s’aimèrent.

5.

Lorsqu’il se réveilla dans la voiture, le jour était levé. Il consulta sa montre.

Midi.

Il était resté là-bas depuis vingt-deux heures la veille. Ou plutôt ici-bas, dans la voiture. Ou plutôt ici et là-bas. Il s’y perdait. Qu’aurait dit Dostoïevski ? Sur l’autoroute, des voitures passaient à vive allure. Leurs conducteurs avaient-ils lu Les Frères Karamazov ? Peu probable.

Une odeur familière avait chassé les relents d’alcool de l’habitacle. Cela sentait le… cube ? Un arrière-goût de sel traînait sur ses lèvres, comme s’il avait mangé des huîtres. D’une gorgée, il but le fond de sa bouteille.

Un objet coupant tomba de sa manche lorsqu’il remit le moteur en marche. Il n’y prêta pas attention. Pas plus qu’il n’ôta la boue collée à ses semelles. Pas plus qu’il ne nettoya les taches brunes sur ses vêtements. Sa jambe lui faisait mal comme s’il avait marché toute la nuit mais au fond, il s’en moquait.

À l’hôpital, il inventa une excuse. Le personnel avait apparemment d’autres soucis en tête. Les infirmiers poussaient leurs civières. Les médecins parlaient chirurgie et les cancéreux se plaignaient.

Fred surprit des bribes de conversation entre infirmiers alors qu’il vidait une poubelle pleine de seringues usagées. D’après leur ton, un événement grave avait eu lieu. Il demeura immobile sur sa banquise. Le directeur discutait avec deux policiers, un jeune et un vieux. Main sur leur arme, les flics hochaient la tête.

Le directeur se tut. Les deux policiers haussèrent les épaules puis s’en allèrent.

Le soir venu, Fred retourna là-bas.

Personne ne le revit du reste de la semaine.

6.

Cette nuit-là, il sentit que quelque chose clochait.

D’abord, la voiture cala. Il dut s’y prendre à plusieurs reprises avant de quitter le garage. Ensuite, le long de l’autoroute, il lui sembla que les poids lourds ricanaient en frôlant sa portière. La voiture tremblait sur ses pneus. Il passa son visage par la fenêtre et hurla : « Je vous hais ! Vous avez pigé, tas de cons ? »

Dans l’habitacle, une fois la veilleuse éteinte, il avala une triple rasade de vodka mais la boisson ne lui faisait plus autant d’effet qu’avant. En reniflant, il leva les yeux sur l’ombre de ses paupières.

L’orchestre jouait au bout de la pièce.

Fred voulut se rapprocher des violonistes. Ne fût-ce qu’une fois, il aurait tant désiré entendre leur petite musique de nuit. Hélas, le cube semblait infini. Son rouleau de sol blanc se dévidait sans répit. Pendant plusieurs heures, plusieurs jours peut-être, il marcha vers les instrumentistes. Il pleurnichait. De l’alcool et des larmes coulaient sur ses joues. Les archets allaient et venaient sur leurs cordes.

Des siècles plus tard, il arriva sous le menton d’un des musiciens.

Le violoniste ouvrit les yeux.

Ses orbites vides étaient bordées de dents. Des canines triangulaires, pointues et acérées. Une noirceur totale palpitait au fond de ces gouffres. Derrière Fred, dans le silence blafard du cube surgit une voix parfaitement audible. Chaque mot chutait avec précision.

- Maintenant, tu sais dit Ève.

Son corps sortait d’une carcasse de voiture. Son visage avait pourri. Deux trous s’y décomposaient. Des dents mangeaient ses traits. Ève enfonça ses longs crocs dans le crâne de Fred. Quelque part, un os craqua. Le sexe d’Ève referma ses mâchoires brûlantes sur ses reins. Ses deux bouches, crochues jusqu’au tréfonds, commencèrent leur travail de piège à loup. Maintenant, tu sais…

Les archets allaient et venaient.

Silence.

7.

La nuit.

L’hôpital.

Une porte ouverte. La morgue brille. Un cube blanc. Une odeur de désinfectant. Des lames de scalpels sales.

Sur la table de dissection : une jeune morte aux orbites énuclées. Sur un plateau : un de ses deux yeux bleus. Fred gît à terre, complètement nu. Son crâne est déchiqueté. L’impact l’a figé alors qu’il s’apprêtait à porter quelque chose de blanc à sa bouche.

Le plus âgé des deux policiers rengaina son arme encore fumante :

- On dira que le coup est parti tout seul. On l’a enfin eu ce tordu.

La jeune morte souriait.

Une petite tache rouge marquait son incisive.

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tagliamentoRe: Révulsion
Ecrit par tagliamento le Mercredi 18 Août 2004, 17:50

Pas mal...

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SlobodanAh, on parle de moi ?
Ecrit par Slobodan le Dimanche 23 Janvier 2005, 18:17

Oui, c'est pas mal mais d'habitude, je fais mieux. Tenez, je vous conseille Orient Néant Express, mon recueil en vente à peu près nulle part. Cela dit, si vous ne deviez lire qu'un seul texte, ne le lisez surtout pas.
A bientôt, en dessous de zéro.
Amicalement,



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SlobodanEuh...
Ecrit par Slobodan le Dimanche 23 Janvier 2005, 22:45

Juste au cas où :
www.editions-du-colibris.com

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